La maladie d’Alzheimer est une maladie catégorisée dans les pathologies neurodégénératives ; incurable, elle entraine la perte progressive et irréversible des fonctions mentales et en particulier la mémoire. A ce jour on dénombre 1.2 millions de personnes touchées en France, 225 000 cas sont nouvellement détectés par an dont 32 000 personnes âgées de moins de 65 ans (3.1%). Outre le coût financier qu’induit la prise en charge de cette maladie pour soulager le quotidien des malades, les coûts émotionnel, psychologique et physique endurés par plus d’1.8 million d’aidants sont difficilement quantifiables et peu mis en lumière.
Ce projet témoigne de la manière dont la maladie d’Alzheimer affecte le quotidien d’un malade en illustrant, en suggestion et dans le respect de la dignité, un panel de troubles inhérents à cette pathologie neurodégénérative qui viennent peu à peu éteindre le patient. Souvent résumée en un unique symptôme, l’amnésie ; d’autres manifestations caractérisent la maladie comme l’aphasie qui dégrade partiellement ou totalement la capacité à parler ou à comprendre un message parlé ou écrit, ainsi que l’agnosie, qui empêche le patient de bien se rendre compte, à travers ses sens (vue, ouïe, odorat) des personnes ou objets. Ces troubles s’expriment, chez chaque personne atteinte, à divers degrés et différentes intensités pervertissant les interactions avec le monde pour peu à peu vider le corps de sa substance et laisser le malade dans un état de « mort-vivant » ; physiquement présent mais psychiquement absent. L’entourage fait alors face alors à ce que l’on appelle un « deuil blanc »
Ce travail photographique en double lecture, à la fois biographique et autobiographique, a pour but de montrer une vérité de la maladie d’Alzheimer et de susciter par l’image, une réflexion sur l’ambivalence absence/présence de cette expérience de deuil blanc que l’entourage doit affronter.
Le quotidien de Gérard, 67 ans, mon père cas précoce de la maladie d’Alzheimer qui s’est exprimée dès ses 56 ans et dont l’évolution fulgurante l’a projeté dans un état de dépendance nécessitant désormais une attention permanente, met en lumière les souffrances, le désarroi et les complexités qu’expérimentent quotidiennement le patient et les aidants qui l’entourent .En 2022 il intègre un EPHAD adapté puis est orienté 9 mois plus tard dans une unité d’hébergement renforcée en milieu hospitalier, lui permettant de faire face à la perte de repères mais surtout aux autres symptômes qui sont de plus en plus présents telles que l’agitation, l’errance, les hallucinations, l’agressivité ainsi que les troubles obsessionnels qui l’épuisent et l’affaiblissent dangereusement.
Il traverse maintenant la septième étape (la dernière) de la maladie et attend que son corps finisse par oublier de fonctionner.
La maladie d’Alzheimer est dure et bien trop complexe pour pouvoir la résumer à une perte de la mémoire. Personne n’est réellement préparé à affronter tous les aspects de la maladie, les bouleversements qu’elle induit pour le malade et son entourage. Il faut être courageux et mettre des images sur les maux pour accepter de les voir. Vivre la maladie de mon père à travers une lentille me permet de me détacher et de rendre cette expérience plus supportable. En le photographiant, je fais disparaître la maladie, je crée des souvenirs qui feront perdurer mon Père pour toujours.
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